Dans la série "Dark" :
"Alors qu'en cette heure il descend dans le labyrinthe, je m'abîme dans le mien. Tel que je me tiens devant vous, je ne suis la fille d'aucun roi, la femme d'aucun homme, la soeur d'aucun frère, un simple foetus jeté dans le temps. La mort est la même pour tous, quelque soit la maison qui nous a vu naître, que nous ayons été parés ou non, que notre séjour a été bref ou long. Je choisis seule mes liens. Que j'ai saisi les mains qu'on me tendait, ou que je les ai frappé, ma fin sera la fin de tous. Les dieux nous ont oublié depuis longtemps, aucun ne nous jugera... devant la mort je comparais seule, je n'aurais qu'un juge : moi-même."
Martha
Dans le film "Mon Oncle d'Amérique" :
"Dès le plus jeune âge, la survie du groupe est liée à l'apprentissage chez le petit de l'homme de ce qui est nécessaire pour vivre heureux en société. On lui apprend à ne pas faire caca dans sa culotte, à faire pipi dans son pot. Et puis, très rapidement, on lui apprend comment il doit se comporter pour que la cohésion du groupe puisse exister. On lui apprend ce qui est beau, ce qui est bien ; ce qui est mal, ce qui est laid ; on lui dit ce qu'il doit faire et on le punit ou on le récompense quel que soit sa propre recherche du plaisir on le punit ou on le récompense suivant que son action est conforme à la survie du groupe.
Le fonctionnement de notre système nerveux commence à peine à être compris. Il y a une vingtaine ou une trentaine d'années que nous sommes capables de comprendre comment, à partir des molécules chimiques qui le constituent qui en forment la base s'établissent les voies nerveuses qui vont être codées, imprégnées par l'apprentissage culturel. Et tout cela dans un mécanisme inconscient. C'est-à-dire que nos pulsions et nos automatismes culturels seront masqués par un langage, par un discours logique.
Le langage ne contribue ainsi qu'à cacher la cause des dominances les mécanismes d'établissement de ces dominances et à faire croire à un individu qu'en oeuvrant pour l'ensemble social, il réalise son propre plaisir alors qu'il ne fait, en général, que maintenir des situations hiérarchiques qui se cachent sous des alibis langagiers des alibis fournis par le langage qui lui servent en quelque sorte d'excuses."
"(...)
Dans cette seconde situation, la porte de communication entre les deux compartiments est fermée. Le rat ne peut pas fuir. Il va donc être soumis à la punition à laquelle il ne peut pas échapper. Cette punition va provoquer chez lui un comportement d'inhibition. Il apprend que toute action est inefficace, qu'il ne peut ni fuir ni lutter. Il s'inhibe. Et cette inhibition qui s'accompagne d'ailleurs chez l'homme de ce qu'on appelle l'angoisse, s'accompagne aussi dans son organisme de perturbations biologiques extrêmement profondes. Si bien que si un microbe passe dans les environs, s'il en porte même sur lui-même, alors que normalement il aurait pu les faire disparaître, là, ne le pouvant pas, il fera une infection. S'il a une cellule cancéreuse qu'il aurait détruite, il va faire une évolution cancéreuse. Et puis ces troubles biologiques aboutissent à tout ce qu'on appelle les maladies de « civilisation » ou psychosomatiques : les ulcères de l'estomac, les hypertensions artérielles. Ils aboutissent à l'insomnie, à la fatigue, au mal-être.
Dans cette troisième situation, le rat ne peut pas fuir. Il va donc recevoir toutes les « punitions », mais il sera en face d'un autre rat qui lui servira d'adversaire. Et, dans ce cas, il va lutter. Cette lutte est absolument inefficace. Elle ne lui permet pas d'éviter la « punition ». Mais il agit. Un système nerveux ça ne sert qu'à agir. Ce rat ne fera aucun accident pathologique de ceux que nous avions rencontrés dans le cas précédent. Il va être en très bon état et pourtant, il aura subi toutes les « punitions ». Or, chez l'homme, les lois sociales interdisent généralement cette violence défensive. L'ouvrier qui voit tous les jours son chef de chantier dont la tête ne lui revient pas, il ne peut pas lui casser la figure parce qu'on lui enverrait les agents ; il ne peut pas fuir parce qu'il serait au chômage. Et tous les jours de la semaine, toutes les semaines du mois, tous les mois de l'année, toutes les années, quelquefois, qui se succèdent, il est en inhibition de l'action.
L'homme a plusieurs façons de lutter contre cette inhibition de l'action. Il peut le faire par l'agressivité. L'agressivité n'est jamais gratuite. Elle est toujours en réponse à une inhibition de l'action. On débouche sur une explosion agressive qui est rarement rentable, mais qui, sur le plan du fonctionnement du système nerveux, est parfaitement explicable.
(...)"
"Ainsi, répétons-le, cette situation dans laquelle un individu peut se trouver d'inhibition dans son action, si elle se prolonge, commande à toute la pathologie. Les perturbations biologiques qui l'accompagnent vont déchaîner aussi bien l'apparition de maladies infectieuses que tous les comportements de ce qu'on appelle les maladies mentales. Quand son agressivité ne peut plus s'exprimer sur les autres, elle peut encore s'exprimer sur lui-même de deux façons. Il somatisera : c'est-à-dire qu'il dirigera son agressivité sur son estomac où il fera un trou, un ulcère d'estomac ; sur son coeur et ses vaisseaux, il fera une hypertension artérielle ; quelquefois même des lésions aiguës qui aboutissent aux maladies cardiaques brutales : les infarctus, des hémorragies cérébrales ; ou des urticaires ou des crises d'asthme. Il pourra aussi orienter son agressivité contre lui-même d'une façon encore plus efficace : il peut se suicider. Et, quand on ne peut pas être agressif envers les autres, on peut, par le suicide, être agressif encore par rapport à soi."
"L'inconscient constitue un instrument redoutable, non pas tellement par son contenu refoulé, refoulé parce que trop douloureux à exprimer, car il serait « puni » par la socioculture , mais par tout ce qui est, au contraire, autorisé et quelquefois même « récompensé » par cette socioculture, et qui a été placé dans son cerveau depuis sa naissance. Il n'a pas conscience que c'est là, et pourtant c'est ce qui guide ses actes. C'est cet inconscient-là qui n'est pas l'inconscient freudien qui est le plus dangereux. En effet, ce qu'on appelle la personnalité d'un homme, d'un individu, se bâtit sur un bric-à-brac de jugements de valeur, de préjugés, de lieux communs qu'il traîne et qui, à mesure que son âge avance, deviennent de plus en plus rigides, et qui sont de moins en moins remis en question. Et quand une seule pierre de cet édifice est enlevée tout l'édifice s'écroule. Il découvre l'angoisse. Et cette angoisse ne reculera ni devant le meurtre pour l'individu ni devant le génocide ou la guerre pour les groupes sociaux pour s'exprimer.
On commence à comprendre par quel mécanisme, pourquoi et comment, à travers l'histoire et dans le présent se sont établies des échelles hiérarchiques de dominance. Pour aller sur la lune, on a besoin de connaître les lois de la gravitation. Quand on connaît ces lois de la gravitation, ça ne veut pas dire qu'on se libère de la gravitation ; ça veut dire qu'on les utilise pour faire autre chose. Tant que l'on n'aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l'utilisent, tant qu'on n'aura pas dit que, jusqu'ici, ça a toujours été pour dominer l'autre, il y a peu de chances qu'il y ait quelque chose qui change."
Henri Laborit
Aigrie par l'hypocrisie et le déni.