Pour ou contre ?

Non sérieusement. Je vous donne mon point de vue de professionnel, qui n'est pas du tout l'objet du topic, mais ça me semble intéressant de vous le partager.

Comme tout le monde le sait, je suis infirmier en centre médico psychologique et je me rends compte que les cordonniers sont les plus mal chaussés. Quand je travaille, j'ai l'impression de m'oublier dans le flot d'atrocités que vivent les patients que je prends en charge. J'ai la sensation de devoir toujours être au top, de toujours devoir être efficace et disponible mentalement pour les autres plus que pour moi-même, quand bien même que je sens que je m'efface. Et pourtant, depuis la COVID, on a jamais autant parlé de santé mentale, de devoir prendre soin de soi et de s'écouter. Pourtant, j'ai parfois l'impression que la mienne est submergée par celle des autres. Qu'elle ne doit pas trop s'exprimer. Et si ça sort, pas de trop. Pour toujours être disponible, comme si j'étais une machine au service des autres.

Mais quand est-ce qu'on se rend compte que je suis plus disponible pour les autres, alors qu'on attend de moi de faire mon travail ?

Certaines prises en charge me dépassent, j'y arrive plus. Alors je passe le relais ou j'arrête le suivi. Parfois on m'autorise même pas à arrêter parce que c'est des patients trop compliqués/difficiles dont personne ne voudra, alors que moi j'ai atteint mes limites. C'est étrange non ? En ce moment, j'ai 4 patients dans ma file active qui sont en programme de soins (en gros c'est un peu la "liberté conditionnelle" de la prison mais pour l'hôpital public, càd que si tu respectes pas les conditions de ta sortie d'hospi, tu y retournes) et c'est vraiment énorme. Quand je dis que je suis en difficulté, on me met un binôme. Mais qu'est-ce que ça change concrètement ? On étale juste ma charge mentale sur d'autres personnes, voilà.

Alors du coup à l'heure où je dois aider les autres et toujours faire mon maximum pour eux si j'ai pas envie de rendre des comptes à ma hiérarchie (ou à la justice, lol), on respecte même pas mes limites. C'est fou, non ?

Sinon sur un point de vue personnel, j'ai mis ma santé mentale au coeur de ma vie. Je fixe mes limites, je m'écoute au quotidien, et ça va plutôt bien dans ma vie depuis que je fais ça. Y'a des semaines et week-ends où je suis à 100 à l'heure, puis d'autres où je suis en suicide social parce que j'ai besoin de me ressourcer. Et je suis très satisfait parce que j'ai déménagé récemment et être dans mon nouvel appartement me fait énormément de bien. J'y suis bien, il est calme, spacieux, et même quand je fous rien j'ai pas l'impression de perdre du temps à glander. C'est dingue à quel point une chose aussi simple peut tout changer ! Mais du coup mon point de vue perso est bien plus mince que mon point de vue pro mdr, je crois que ça me pesait !

Et vous, c'est quoi votre rapport à la santé mentale ?

C'est fou comme je me retrouve dans ton vécu infirmier. On donne tellement au quotidien dans ce métier.
Je trouve ça très dur que personne ne prenne en compte tes limites, surtout après avoir donné tout ce que tu avais et même t'oublier pour faire au mieux pour les autres... C'est un gros manque de considération pour ton travail accompli. Et c'est un cercle vicieux finalement car ça devient impossible inconsciemment d'être disponible pour les autres quand au fond toi-même ça ne va plus. J'ai l'impression que tu te remets beaucoup en question et je comprends tellement, mais finalement le soucis c'est surtout la dureté du milieu professionnel dans lequel tu es que ce soit dans les atrocités que vivent les patients mais aussi la hiérarchie qui ne te vient pas en aide ou est juste impuissante pour convenablement t'apaiser. Rien que tes questionnements prouvent ta bienveillance et ton soucis de bien faire pour les autres ainsi que pour toi même. Alors je te souhaite de trouver ton équilibre professionnel et sois pas trop dur avec toi même ! Sinon trop cool pour ton nouvel appart, ça me fait vraiment plaisir que tu te sois trouvé une petite bulle où tu te sens bien

Sinon pour mon propre rapport à la santé mentale je dois dire que je l'ai placé au coeur de ma vie également parce que sans ça je ne pouvais tout simplement plus tenir au quotidien. En fait tout comme toi c'était le milieu professionnel qui m'impactait vraiment le plus. Alors j'ai fini par essayer d'adapter mon milieu professionnel en fonction pour arriver à tenir du mieux possible. J'ai cherché de multiples solutions, et je t'avoue que je continue à en chercher: d'abord c'était changer complètement de métier pour respirer un peu, ensuite retour au métier d'infirmier en intérim pour plus de flexibilité puis là honnêtement je réfléchis carrément à une formation pour évoluer vers autre chose définitivement. Au départ j'avais vraiment la sensation que c'était comme un aveu de faiblesse et je ne supporte pas l'échec, c'était très difficile psychologiquement. Finalement je me rends compte que c'est hyper important à prendre en compte et que si on ne peut plus c'est pas grave il y a pleins d'autres solutions qui s'offrent à nous. Je me sens tellement mieux comme ça avec cette idée là, rien que de me dire que j'ai une porte de sortie vers autre chose j'ai l'impression de revivre même si je ne suis pas encore sortie de mon rôle d'infirmière.

Sinon du point de vue personnel la santé mentale va bien, j'essaye de m'imposer le moins possible de contraintes et de me faire plaisir de temps en temps. J'ai aussi déménagé, loin de là où j'ai toujours vécu et c'était pas simple non plus mentalement au départ. Dans mon entourage c'était beaucoup de "qu'est ce que tu vas faire là bas" etc mais en fait j'en avais juste envie et besoin. Depuis je ne regrette pas je suis bien dans mon châlet à la montagne, j'en rêvais ! Comme quoi parfois faut vraiment s'écouter au détriment de ce que pensent les autres sinon tu fais bien souvent machine arrière. Et tout comme toi il y a des fois où je vais être plus active puis parfois j'ai juste envie de rester dans ma grotte à rien faire haha

Quelle tristesse quand même. Je m'étais lancé dans la formation en me disant que ça allait être mon métier et j'allais faire ça toute ma vie dans un service où le rythme de travail me convenait, mais je me retrouve à 1000% dans ce que tu dis.

J'ai vu des articles qui disent que la durée d'exercice d'un.e infirmier.ère c'est 2 ans... mdr. J'en ai fait que 4 et je sens déjà que je suis poussé dans mes retranchements. Je pense qu'on peut déjà être fiers de se dire qu'on a tenu plus longtemps que ça ! Mais l'aveu de faiblesse d'abandon dont tu parles, je pense qu'on le ressent à cause de la difficulté de la formation. Elle est difficile, longue, éprouvante... on a beaucoup donné, beaucoup perdu et c'est difficile je pense de faire le deuil de tout ces sacrifices :/

J'ai aussi cherché des alternatives pour m'alléger dans mon quotidien de travail, et j'ai pas encore vraiment trouvé. Pour l'instant, je m'économise. Y'a des jours/semaines où je fais le minimum, j'arrête de donner toute mon énergie et je lâche quand ça suit pas. Parce que objectivement j'ai fait tout ce que je pouvais faire dans certains suivis et à un moment j'ai plus rien à apporter donc j'abandonne. Après tout pourquoi je devrais me rendre dingue dans des prises en charge auxquelles les patients se foutent, alors que j'en ai plein d'autres derrière qui attendent ? Donc voilà, je m'économise.

Je me retrouve dans vos témoignages alors que nous avons des métiers totalement différents.
J’ai toujours travailler dans la vente, lorsque je n’étais pas au service de la personne, j’étais derrière.

D’un point de vue professionnel, j’ai bossé presque 4 ans en boulangerie, j’ai commencé derrière et était simple préparatrice. J’enchaînais beaucoup les heures quitte à mettre mon couple de côté. Je suis ensuite passé responsable adjointe (je me suis séparée peu de temps avant), j’avais 2/3 personnes sous mes ordres, j’étais plus que fière d’en arriver là.
Ça n’a durée qu’un temps, pendant presque 1 an, je bossais 6j/7, la plupart du temps entre 42/46h par semaine, mais ça m’allait, je mettais ma vie de côté et je pensais surtout à l’entreprise qui avait besoin de moi. Sauf que quand ma santé mentale en a pris un coup, à force de devoir combler le manque de personnel et le manque de reconnaissances, ça a commencé à être difficile. Mais j’ai tenu, j’ai pris sur moi, quitte à refuser les arrêts maladie car je ne voulais pas me retrouver dans cette position, alors que j’en avais clairement besoin. J’ai finis par être mutée dans une autre boulangerie, mais le scénario s’est répété, c’était la goutte de trop.
Je suis partie un vendredi, en pleure et complément à bout de tout, chez le médecin. C’était une période extrêmement difficile, plus rien ne me donner envie, je n’avais plus goût à rien, je ne voyais plus personne. J’ai mis des mois à m’en remettre, j’ai finis par changer de travail, à l’heure actuelle, je ne suis pas comblée par mon travail (aide à domicile + ou -, et garde d’enfants), mais ça me permet de pouvoir me concentrer sur ce que je veux, sur mon bien être, chose que j’avais mis de côté pendant des années.


Côté personnelle, c’était un peu le même combat.
J’étais dans des relations toxiques qui bousillent clairement le mental et la confiance en soi. Mais ça, c’est encore autre chose


Tout ça pour dire qu’il est important et nécessaire de prendre du temps pour soi, et de comprendre les signes quand ça ne va pas.

Je me souviens encore comme si c'était hier du moment où tu débutais à peine ton poste, tu avais l'air si motivé.
C'est fou comme au fil du temps on en arrive tous à la même conclusion. La formation a déjà dû au départ jouer un grand rôle là dedans oui ça c'est sur. Et effectivement la durée d'exercice est de 2 ans pour un infirmier... Je crois qu'à chaque fois que je dis dans les services que je suis diplômée depuis 2017 les gens me répondent qu'ils sont étonnés que j'arrive à être encore là c'est assez malheureux, bon ou alors ils me demandent mon âge parce qu'ils me donnent toujours moins mais ça c'est pas le sujet mdr

Pour le coup je te soutiens complètement dans tes démarches, t'as bien raison d'essayer de prendre soin de toi parce que personne le fera pour toi...



C'est triste à dire mais ce mal-être est fréquent dans de plus en plus de corps de métiers alors je comprends tout à fait que tu te retrouves également. Comme tu l'as dit entre le manque de personnel, les conditions de travail qui se dégradent il y a de quoi craquer comme tu as pu le faire. Surtout que bon il y a ce côté pro puis aussi le reste de la vie perso qui se passe pas toujours bien, ça fait vraiment beaucoup à gérer en même temps.

En tout cas c'est cool que tu te sois sortie de tout cet environnement toxique pour toi, la période de transition c'est jamais trop facile mais bon le positif c'est que c'est l'occasion de pouvoir rebondir vers quelque chose qui te correspond mieux. Je te souhaite le meilleur pour la suite !

Hors sujet :

Ma santé mentale est très importante pour moi.

A défaut de la santé physique, je prends soin de ma santé mentale depuis quelques mois.

J'ai enchaîné deux burn-out coup sur coup entre 2022 et 2023 à cause du travail. Et ça m'a mise la claque nécessaire pour trouver les moyens pour m'en sortir.

Malheureusement ça a impacté mes études alors que j'ai les capacités intellectuelles pour réussir. J'ai dû tout arrêter, et depuis je suis au chômage.

Ca ne fait que depuis fin août que je recherche activement une alternance ou un job pour pouvoir m'en sortir financièrement, en plus de me soigner.

Je ne sais pas si j'ai joué de malchance en tombant dans deux jobs différents sur des chefs difficiles, mais le fait est que ça ne m'a pas aidée haha.

J'ai déjà pas bcp confiance en moi, et j'ai tendance à me mettre énormément la pression pour réussir, du coup j'aimerai (et je suis sûrement très naïve là-dessus mais j'ai toujours espoir) pouvoir tomber sur un environnement bienveillant.

Mais je crois sincèrement que le monde du travail n'est pas bienveillant, et les gens comme moi on se retrouve un peu dans la crotte au moment venu.

J'ai d'ailleurs en questionnement la possibilité d'avoir une RQTH, mais la seule personne dont j'ai besoin de l'aval ne me l'a pas donné pour le moment hahaha.