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Poule_1er
22/02/2022 21:17
Salut à vous! Voici mon récent papier sur l'école du meuble de Montréal sous Jean-Marie Gauvreau.

L’École du Meuble, telle que dirigée par Jean-Marie Gauvreau, existe dans la mémoire collective québécoise de façon particulière. Si cette institution est familière pour beaucoup, plusieurs l’associent particulièrement aux évènements de la fin de son existence, notamment le renvoi du professeur Pierre-Émile Borduas et la parution du Refus Global. Cependant, l’École ne se résume pas qu’à ces derniers faits. Née d’une idéologie d’intégration des arts, elle fut dirigée par Gauvreau avec des objectifs bien précis. Toutefois, le monde économique dans lequel baigne celui du meuble est imprévisible, et les idées de Gauvreau se retrouvèrent ultimement confrontées à celles de ses élèves, qui ne les voyaient plus comme pertinentes face aux nouvelles possibilités amenées par la technologie.


Une solution à un problème national

« Le moins que l’on puisse dire de cette double initiative est qu’elle vient à son heure et qu’il était temps qu’un effort fut tenté en vue de faire présider le bon goût à l’aménagement de nos intérieurs. Cette question de l’ameublement est d'une importance beaucoup plus grande qu'on ne le croit généralement. Le foyer est le cadre de la vie privée; il est le reflet du caractère du propriétaire, et la façon dont celui-ci veille à son ameublement et à sa décoration est un signe infaillible de son degré de culture. »
- Louis Pelland, du journal L’Avenir du Nord, en réaction à l’annonce de la création d’une École du Meuble. 29 novembre 1935.

Le monde artisanal québécois, spécifiquement le milieu du meuble, se trouve face à une crise au début du XXe siècle. D’abord issu d’une production domestique partagée entre les divers types d’artisans du bois présents sur le territoire (charpentiers, menuisiers et autres) et destinée à meubler de façon fonctionnelle et simple les maisons de la province, l’industrie du meuble s’était développée depuis la colonisation pour permettre, au milieu du XIXe siècle, l’avènement de fabriques telles que celles de William Drum et de Philippe Vallière, à Québec, ou encore celle d’Owen McGarvey, à Montréal (Figure 1). Ces fabriques n’utilisent pas encore des pratiques machinales et ne sont donc pas complètement industrialisées, mais elles emploient plus d’artisans (plus de cinq) que les ateliers traditionnels. Si ces établissements, qui desservent une clientèle plutôt aisée, rayonnent et procurent un marché du meuble produit au Québec, elles créent également un contexte de compétition impossible à pénétrer pour les plus petits artisans . Pire, ceux-ci sont également incapables d’offrir une compétition à l’import massif de meubles de provenance américaine (Dubois, 21; Giovine & Cullars, 27). Puis, en raison de l’industrialisation et de la disparition de métiers traditionnels, le Québec faisait face à un exil des travailleurs. Devant une telle situation, il était primordial pour les autorités gouvernementales et intellectuelles québécoises d’intervenir. La situation économique du Québec s’améliorant dans les années 1920, certains intellectuels de l’époque commencèrent à plancher sur des solutions aux différentes problématiques économiques et sociales de la province.

Jean-Marie Gauvreau se trouve alors en France, et rentre au pays en 1929, année de la grande récession. Cette même année, il publie son manifeste, Nos intérieurs de demain, illustrant ses intentions et son idéologie face à l’art décoratif. Il y propose en six chapitre une approche permettant de réconcilier tradition et innovation tout en communiquant la complexité de ces idées aux nouvelles générations. Gauvreau préconise le rôle de l’éducation et insiste sur la poursuite des connaissances techniques comme théoriques. En formant les étudiants à être aussi bien d’habiles techniciens que de forts théoriciens, Gauvreau prévoit permettre à ceux-ci de plus larges horizons de carrière (Giovine & Cullars, 25). Ultimement, ses objectifs sont de créer une tradition d’ébénisterie de qualité et susciter l’apparition d’un type authentique de mobilier québécois (Dubois, 23).

Gauvreau dirige d’abord une division d’ébénisterie de l’école technique, tout juste fondée par le gouvernement provincial, dès 1930. À cette époque, on cherche à dynamiser l’industrie locale pour combler les besoins en mobilier de la province, entre autres dans les bureaux gouvernementaux (Dubois, 21). Alors qu’il est à l’École Technique, Gauvreau exprime son insatisfaction face à la presque inexistence d’une industrie de transformation du bois (Giovine & Cullars, 28). Il déplorait entre autres la perte du savoir traditionnel de transformation du bois chez les Canadiens français, et craignait la dégradation de l’image de ceux-ci. (Giovine & Cullars, 30). Ultimement, le gouvernement Taschereau ferme la branche d’ébénisterie et ouvre plutôt l’École du Meuble de Montréal, nommant Jean-Marie Gauvreau à titre de directeur et fondateur. Celui-ci avait popularisé l’idée de stimuler l’industrie forestière locale en faisant la promotion du bois canadien avec des meubles adaptés aux goûts d’époque comme aux variations climatiques (Lesser, 39). L’institution est la première au Québec qui rend possible de se spécialiser en aménagement intérieur dans le but d’en faire une carrière (Dubois, 24). Entre sa fondation en 1935 et sa transformation en l’Institut des arts appliqués en 1958, l’école se démarque pour la qualité de son enseignement et devient un lieu d’émancipation (Gosselin, 1).


L’enseignement

L’attrait principal de l’École, pour beaucoup, est la qualité d’enseignement qui y est donné : on compte des dessinateurs comme Borduas et Frédéric Back, des critiques d’arts comme Jules Bazin et Maurice Gagnon, mais aussi évidemment des artisans décorateurs tels que Guy Viau et Julien Hébert (figure 2). À eux se joindraient éventuellement sculpteurs, tisserins et céramistes (Dubois, 23) : Les cours de sculpture furent ajoutés lors du réaménagement de l’école en 1940, l’école des Beaux-Arts transféra son programme de céramique vers l’École du Meuble en 1945 et le cours de tissage fut offert à partir de 1948 (Lesser, 39).

Gauvreau était fortement inspiré par l’approche de l’école française qui l’avait diplômé, l’École d’arts appliqués de Boulle, et ainsi préconisait un style adhérant à l’esthétique française puisant dans les techniques traditionnelles locales (Dubois, 23). C’est là un reflet de l’idéologie du directeur : celui-ci considérait que toute importation doit nécessairement subir une transformation pour être adaptée au territoire qu’elle occupe (Giovine & Cullars, 28). Le style est alors extrêmement géométrique, on préfère l’expression naturelle à la décoration superficielle (Lesser, 38) (Figure 3). Rapidement cependant, l’environnement s’avère un incubateur à idées et l’influence avant-garde atteint l’école. Les créations deviennent de plus en plus ambitieuses et reflètent les approches variées des professeurs. Notamment, un missionnaire français, le père Couturier, joint l’école en 1941 pour enseigner l’art religieux, mais décide plutôt d’enseigner l’art moderne et contemporain (Gosselin, 2).

Parallèlement aux cours, Gauvreau accumule peu à peu de nombreux meubles, tissages, vases et autres objets d’artisans, qu’il rassemblait pour servir d’exemples et d’inspiration aux élèves, diplômés et professeurs de l’École (Dubois, 27). L’approche didactique de la collection a pour avantage de mettre plusieurs objets en relation les uns aux autres, mettant en valeur les ressemblances et différences de chacun. La bibliothèque de l’école, tenue par le professeur d’histoire de l’art Maurice Gagnon, devient également un lieu d’échange et de partage didactique important (Gosselin, 2).

Dans les années 1940, la production de l’École met l’accent sur la ligne horizontale : les meubles sont plus longs, souvent modulaire, sans pour autant voir disparaitre le style populaire dans les années 30 (Lesser, 39). Cette évolution continue peu à peu pour mener, à la fin de la décennie, à une profonde inspiration scandinave, poussée par des enseignants tels que Hébert. Peu à peu, le mixage des techniques devient de plus en plus prévalant, menant ultimement aux années 1950, durant lesquelles plusieurs professeurs comme diplômés se mettent à utiliser des matériaux industriels (Chouinard, 125).

Ce n’était plus là l’idée préconisée par Gauvreau : il trouvait les matériaux métalliques et plastiques esthétiquement froids et désagréables à regarder (Giovine & Cullars, 26). Ainsi se forge peu à peu une animosité entre Gauvreau et certains acteurs du milieu qu’il a créé. Le fondateur de l’École n’était pourtant pas ignorant aux mouvances idéologiques de son époque : dans son essais Les formes de l’activité artisanale (1947), il reconnait que si l’industrialisation de l’artisanat nécessite une redéfinition des concepts au cœur de la pratique, ceux-ci offraient néanmoins des opportunités d’exploration complètement nouvelles (Lesser, 30).

Certains élèves jouiront d’une grande renommée ou succès professionnel, tels que Jean-Paul Riopelle (Figure 5), Maurice Perron et Marcel Barbeau (Gosselin, 2) (Figure 6). D’autres occupent une place importante dans l’industrie du meuble. Enfin, certains ont leur propre atelier, dont certains employaient plus de vingt artisans. De ces derniers, Gauvreau en dénombre une vingtaine installés à travers la province (Chouinard, 122). Néanmoins, dans sa chronique nécrologique dédiée à Gauvreau, le journaliste et critique Henry Bernard avance que les industries canadiennes n’étaient pas réellement intéressées aux diplômés de l’École du Meuble en raison, semble-t-il, d’un excès de zèle en matière de soins et de beau.

Conséquence des différents entre le directeur et ses élèves, l’école connait une grève étudiante en 1948. Certains des contestataires mèneront une grande carrière, tel que Riopelle. Celui-ci protestera en refusant de recevoir son diplôme des mains de Gauvreau. Ultimement, ces évènements et la publication du manifeste Refus Global mèneront au congédiement du professeur Borduas, considéré par le directeur comme un élément perturbateur. Il ne sera cependant pas congédié par Gauvreau lui-même, mais par le sous-ministre du Bien-être social et de la Jeunesse, Gustave Poisson. (Gosselin, 3).


Constat sur les objectifs

Il serait trop dur de dire que Jean-Marie Gauvreau a échoué. Ses objectifs face à la valorisation du bois plutôt que d’autres matériaux moins malléables ont fait face à la réserve de ses élèves, l’arrivée de nouvelles méthodes de travail et l’industrialisation du milieu, entre autres. De façon plus importante, l’environnement d’émancipation né des idées de Gauvreau était naturellement révolutionnaire et donc irréconciliable avec une pratique purement traditionnaliste. Pour innover d’abord, mais également pour faire compétition face au marché international, il était important pour ces artisans d’aller de l’avant avec des idées qui n’étaient pas nécessairement attirantes pour Gauvreau. Puis, avec la transformation de l’École en l’Institut des arts appliqués suivie de son intégration au réseau de Cégep, l’institution en tant que telle disparait essentiellement en 1969 (Gosselin, 5). Si l’influence de son idéologie traditionnaliste est difficile à trouver chez ses élèves les plus connus, qui pour beaucoup ont continué dans l’exploration de la forme et de la texture (Riopelle et Barbeau, par exemple, figures 5 et 6), l’effet incubateur de l’environnement qu’il a créé a néanmoins contribué à une forte renaissance stylistique dans l’art québécois en général, autant dans l’artisanat que dans les beaux-arts. Plus encore, plusieurs artistes issus de l’École du Meuble ont produit des œuvres à la limite entre l’artisanat et les beaux-arts, à une époque durant laquelle l‘art conceptuel prend d’avantage d’importance. Qui plus est, n’en déplaise à Monsieur Bernard qui était très critiques face aux élèves de Gauvreau, plusieurs d’entre eux ont occupé des places importantes dans le monde artisanal et mobilier (Chouinard, 122, 123, 124).

De plus, si elles ne sont pas descendantes directes de son école, le Québec compte aujourd’hui diverses écoles d’artisanat et de meuble, incluant l’École des métiers du meuble de Montréal. Celles-ci remplissent le rôle de transmission des savoirs du bois mais sont adaptés aux besoins du marché plutôt qu’à l’idéologie du personnel de direction. Ultimement, on peut supposer que l’initiative de Gauvreau en aura par la suite inspiré d’autres à stimuler les industries locales par la création de programmes scolaires adaptés : c’est notamment le rôle des programmes techniques des Cégep.

Aujourd’hui, l’histoire de l’École du Meuble se mêle à celle des automatistes et est parfois injustement résumée aux évènements menant au renvoi de Borduas. Pourtant, dans ces ateliers se préparait pendant les 13 ans précédant et les 10 ans suivant l’avenir artisanal, artistique et intellectuel du Québec, et le sens critique d’une nation était finalement mis à l’épreuve. Gauvreau a échoué à créer une tradition d’ébénisterie telle qu’il la voyait, mais il a permis la survie du milieu, et lui a permis de grandir au-delà de ce besoin de tradition. Il aura pu, durant l’existence de son école, présenter tel qu’il le désirait un mobilier typiquement québécois, en ce sens que toute inspiration était adaptée au territoire en laquelle elle se trouvait importée. Malheureusement, ses ambitions de valorisation du bois se sont heurtées au désir de recherche toujours plus grand de ses diplômés et élèves, et ainsi son héritage idéologique ne fut pas porté par la génération d’artiste le succédant.
Je m'en brasse les dés.
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Poule_1er
20/04/2022 05:30
c quoi vs aimez pas les meubles
Je m'en brasse les dés.
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Roccos
21/04/2022 20:13
Salut,

Je ne suis pas sûr de comprendre l'intérêt de ton post... Veux-tu un avis sur ton texte ? Si oui, ton post à plus sa place dans le BBS Skoolz
1
NahkriiN
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Poule_1er
22/04/2022 03:36
Wishmasterzz a écrit :
Salut,

Je ne suis pas sûr de comprendre l'intérêt de ton post... Veux-tu un avis sur ton texte ? Si oui, ton post à plus sa place dans le BBS Skoolz


non l'idée est de discuter de l'école du meuble de Montréal

toutes les infos sont là
Je m'en brasse les dés.
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KiN
30/04/2022 22:57
g pa lu dsl
Frutiz un jour, Frutiz toujours !
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Gesus
02/05/2022 00:01
cela me semble très important mais c'est écrit beaucoup trop petit pour moi j'ai pas lu
Argent silvouplai